Respirer le grand air
Ce jour-là, je me sentis chargée émotionnellement. J’avais le coeur gros de chagrin et de colère. Tout me semblait vide, plat, insipide. La voix de la victime et du juge tyrannique faisait la pluie et le beau temps dans mon esprit: je n’étais pas assez comme il faut. Je n’avais pas été assez comme ceci ou comme cela. Je n’étais pas digne d’amour. Depuis sept jours ces voix tambourinaient dans ma tête. Encore, encore et encore. A me juger et à me critiquer sans arrêt.
Où était donc passée ma guerrière de lumière? Elle dont les énergies étaient constamment dans l’amour et dans la joie. Elle qui me faisait voir le divin en toute chose. Elle qui me reliait à la source en faisant de moi l’artiste céleste du rêve de ma vie. Où était-elle donc passée?
Pour mettre fin à cet enfer, vu qu’il en allait de ma seule responsabilité, je décidai d’aller me promener dans la nature. Respirer le grand air, me changer les idées. Trouver des réponses aux questions qui me préoccupaient.
Je me précipitai ainsi à travers les champs de colzas en direction d’une forêt de mélèzes. Ensuite, je m’engageai sur un sentier de pâquerettes qui longeait les bords d’un étang au-dessus duquel virevoltait un banc de cygnes.
Je m’arrêtai quelques instants. Le chant des crapauds, qui s’élevait des roseaux, semblait avoir un effet purifiant sur mon état. Ce qui me fit m’éloigner rapidement.
Pour l’instant, certaines facettes en moi refusaient de lâcher prise. Elles préféraient mariner encore un peu dans ce poison émotionnel qui semblait nourrir leur raison d’être.
La cascade magique
Quelques heures plus tard, je m’aperçus que je m’étais égarée. Très étrange, car je connaissais cette forêt par coeur pour m’y être promenée tant de fois. Pourtant, je me retrouvai au sein d’un bois qui m’était inconnu. Pendant quelques instants, je pris peur. « Décidément, quelle journée, t’aurais mieux fait de continuer à te lamenter dans ton lit » s’empressa de me dire une de mes voix dans ma tête. J’étais sur le point de la croire et de repartir en courant lorsque, tout à coup, le chant mélodieux d’une cascade attira mon attention. Guidée par un vent frais, je m’avançai au coeur de la forêt. Le son des vocalises sacrées de la cascade s’amplifiait. Avec fougue, ces dernières tambourinaient sur mes tympans. J’étais possédée par leurs vibrations envoûtantes. Baignée par une infinité de gouttelettes, j’entendis l’appel des esprits de la nature crépiter comme un feu de vie dans chacune de mes cellules.
Tout à coup, une étrange montagne apparut derrière trois gigantesques noyers. Avec curiosité, je m’empressai de la contourner. L’espace d’un instant, j’aperçus une dizaine de lutins. Installés sur la mousse argentée d’une roche constituée de grains de quartz, ils se tenaient à proximité des chutes d’eau provenant de la cascade. Leurs danses et leurs chants tissaient avec malice des coeurs d’or qui s’élevaient dans les cieux. Doutant de cette vision, je me frottai les yeux pour mieux voir. En les rouvrant, ils avaient disparu.
Je m’installai alors sur une pierre en forme de troll situé à proximité afin de recevoir les embruns de la cascade. Les perles d’eau sacrées purifiaient mon corps astral. J’étais trempée et rafraîchie par l’énergie vivifiante qui se répandait. Quel délice!
L’allégresse se mit à pétiller à nouveau dans mon coeur. Tous les canaux reliés à mes perceptions extrasensorielles étaient grands ouverts. La lumière des facettes, qui souhaitaient aller vers la joie et la paix, s’éveillait, se déployait et illuminait tout mon être. J’étais contente d’être là. La nature respirait en moi. Nous ne faisions plus qu’un.
Messages sacrés
Passant à nouveau devant l’étrange montagne, je remarquai que c’était un géant. Il ressemblait à un grand homme barbu. Des amas de pierres formaient son visage. Il était là immobile et timide. Face à sa divine puissance, je me mis spontanément à genoux. J’essayai autant que possible de faire le calme et le vide dans ma tête afin de rester en contact avec cet esprit de la nature qui était en train de se manifester devant moi. A cet instant précis, ces mots vinrent à ma conscience: « sois libre de toutes connaissances, de tous symboles. Accepte totalement qui tu es. Car tu es la vie. »
Prenant une poignée de feuilles mortes, je les portai à mes narines. Un délicieux parfum épicé s’en dégageait. Plus je l’inspirais et plus mon coeur fleurissait. Je savourais pleinement le cadeau que venait de m’offrir le géant: j’étais la vie.
M’arrêtant près d’une pierre qui m’attirait, je plaçai la paume de ma main à environ 20 cm. Des fourmillements et de la chaleur descendirent jusqu’à la plante de mes pieds. L’expérience était très impressionnantes, mes orteils s’allongèrent et plongèrent au plus profond de la terre. Retrouver les grottes souterraines et recevoir les enseignements des êtres élémentaux de la terre.
Soudain je me mis à gambader comme une petite fille. J’entendis de douces voix me dire : « tu es l’amour, tu es la vie. Danse ta joie. Cours, ris, danse avec nous ». Me roulant dans l’herbe, virevoltant autour d’arbres, je gigotais de plaisir. Des parfums terreux, boisés et fleuris s’infiltrèrent dans mes narines. Quelle coquine cette nature, elle faisait monter en moi mille et une sensations. Tous ces verts, toute cette diversité. Quelle abondance, quelle générosité.
« La cascade de jouvence se remplit d’allégresse, dissous tes chaînes, libère ta joie, joue, danse, sois »
Une halte divine pour la nuit
Captivée par cette magie que m’offrait la nature, je n’avais pas vu le temps passer. La nuit tombait et je décidai d’allumer un feu. J’avais trouvé une grotte qui comportait une petite ouverture donnant sur le ciel. Telle une lucarne me reliant à l’immensité étoilée du firmament. Après avoir demandé au gardien du lieu la permission d’y entrer (mon instinct me soufflait que cette grotte était habitée par un petit dragon de la terre), je m’y installai.
J’étais en confiance, nous étions en plein été et les températures étaient très agréables pour dormir à la belle étoile. De plus, je partais toujours en balade avec un sac à dos contenant tout mon matériel de camping écologique!
Dans un coin de la grotte jouait une poignée de lucioles. Leur chant féérique me berçait tandis que je regardait le feu duquel un esprit surgit. Il traçait des grands huit et se lovait dans les braises. Rien qu’en l’observant, mon bassin se remplit d’un feu ardent. Les dernières émotions lourdes, qui stagnaient dans mon coeur y descendirent pour être consumées. Reliée à l’infini, après cette extraordinaire journée passée en compagnie des esprits de la nature. Après toutes ces prises de conscience et guérisons, en respirant la joie d’être, je m’allongeai près du feu pour m’abandonner aux esprits bienveillants de la nuit.
Rêves guérisseurs, esprits célestes
Entre veille et éveil, je sentis mon corps astral se détacher de mon corps physique. A la vitesse de l’éclair, il traversa les parois de la grotte. Je survolais des grandes étendues de forêts, de prairies. Je plongeais dans les océans puis m’élevais encore et encore. J’atteignais un monde d’une telle blancheur que j’en étais éblouie. J’avais les larmes aux yeux face à tant de beauté, face à tant de pureté.
Cinq sirènes ailées apparurent. Elles se mirent à tourner autour de moi puis, d’un coup de baguette magique, la reine du groupe me transforma en une libellule géante afin que je puisse m’envoler avec elles. A l’horizon, une île de cristal se dessinait. Eclatante et limpide. Après une traversée magnifique de plusieurs astres célestes, nous voilà accueillis par trois lunes vertes. Tout en douceur, les sirènes se retirèrent tandis que les lunes me prirent par la main et me conduisirent dans une forêt de pommiers géants. Les pommes étaient d’un lilas éclatant et les feuilles d’un gris argenté. Un lac de pétales de roses rouges parfumait la forêt. Les trois lunes me déposèrent sur un nénuphar en diamant.
Soudain, de partout arrivèrent des chevaux bleus, il se disposèrent en cercle sur les rives du lac. Des flocons de toutes les couleurs descendirent du ciel. Et c’est alors que commença une extraordinaire métamorphose. En une fraction de seconde, sous une aveuglante poussière d’or, les chevaux se transformèrent en aigles blancs. Le vent, qui se dégageait de leurs battements d’ailes, fit tournoyer le lac de pétales de roses rouges. Ces dernières s’élevèrent comme un feu d’artifice dans le ciel, laissant apparaître un royaume tout en pépites d’eau cristallines. Je n’avais aucun mot pour décrire ce que je vivais, de plus mes jambes étaient en train de se métamorphoser en pattes d’aigle et bientôt, mon corps tout entier n’était plus qu’un aigle blanc.
Quittant le rivage, les autres aigles me rejoignirent. J’étais à la maison. Une danse tribale et majestueuse commença alors. Des gnomes, sortis des profondeurs de la terre, jouaient des percussions sur les rochers de cristal. Des baguettes de perles dans les mains, ils tambourinaient avec joie. J’étais en transe. Toute l’île de cristal et tous ses habitants l’étaient. Nous communions tous dans un amour infini, nous étions cet amour et cette lumière. Nous étions un.
A mon réveil, plus rien n’a jamais été pareil. Cette rencontre avec les esprits guérisseurs de la nature avait transformé ma vie. Ils m’avaient permis d’accéder au divin en moi, ils m’avaient offert cette expérience d’être qui je suis. Merci.